Les traitements individualisés, dits sur mesure, seront sans doute un jour le nouveau paradigme de la médecine.
Article publié le 17 septembre 2018, mis à jour le 6 avril 2021
Les traitements individualisés, dits sur mesure, seront sans doute un jour le nouveau paradigme de la médecine. Même si leur fondement repose aujourd’hui beaucoup sur l’avancée des connaissances du génome humain, leur propos est plus largement de favoriser les interventions sur mesure en fonction des caractéristiques d’un patient plutôt que d’appliquer les mêmes interventions à tous les patients soumis à une même problématique.
Dans ce sens, la préparation magistrale, pionnière des traitements personnalisés, mérite d’être examinée d’un œil neuf.
Une préparation magistrale est un médicament prescrit par un médecin, contenant un ou plusieurs principes actifs, et préparé pour un patient déterminé en raison de l’absence de spécialité pharmaceutique disponible. La préparation magistrale est réalisée sous la responsabilité d’un pharmacien, soit extemporanément[1] en pharmacie, soit dans les conditions prévues à l’article L. 5125-1 ou L. 5126-2 du Code de la Santé Publique (sous-traitance).
Les préparations magistrales peuvent être administrées par voie orale (gélules, sirops, poudres, solutions) ou par voie topique[2] (crèmes, lotions, pommades). Nous nous intéresserons ici exclusivement aux préparations magistrales dermatologiques qui représentent environ un quart de l’ensemble des préparations allopathiques.
De nombreux médecins prescrivent des préparations magistrales topiques : les dermatologues très majoritairement[3], mais aussi certains médecins généralistes, pédiatres, phlébologues, angiologues et chirurgiens.
Ces préparations topiques sont formulées sur la base d’un excipient (crème, cérat de Galien, pommade, etc.) dans lequel un ou plusieurs principes actifs sont incorporés intimement à des concentrations précises, l’excipient étant le véhicule des actifs. Sur le plan règlementaire, toutes les matières premières utilisées dans une préparation magistrale ont l’obligation de satisfaire aux spécifications de la pharmacopée.
Il faut distinguer les préparations magistrales des préparations officinales. Les premières ne peuvent être délivrées que sur la base d’une prescription médicale. Les secondes, dont le champ est plus restreint, peuvent être conseillées et dispensées directement par un pharmacien à un patient. C’est le cas, par exemple, de l’éosine aqueuse ou du glycérolé d’amidon formulés à l’officine. Les préparations officinales deviennent très rares dans la mesure où leurs formules, simples et peu onéreuses, sont fabriquées industriellement aujourd’hui.
Il y a seulement quelques décennies, les préparations magistrales tenaient en France une place prépondérante dans la prescription des dermatologues, essentiellement en raison de la faiblesse de l’offre en spécialités pharmaceutiques[4] sur le marché. La préparation magistrale s’imposait donc naturellement, d’autant qu’elle permet au médecin d’adapter chez chaque patient et pour chaque affection la juste concentration d’actif(s) associée au bon véhicule (l’excipient), plus ou moins gras, plus ou moins fluide pour régler au mieux la pénétration des matières actives en fonction de l’état de la peau du patient. Chaque pharmacie disposait d’un préparatoire et du personnel qualifié pour réaliser les préparations magistrales prescrites par les médecins.
L’essor des médicaments par voie topique au cours des années 80-90 (dermocorticoïdes, antibiotiques, antiseptiques, kératolytiques, émollients et protecteurs, etc.) a mis un frein à la prescription des préparations magistrales. La mise à disposition de spécialités pharmaceutiques produites à l’échelle industrielle, garantes de stabilité dans le temps, de sécurité d’emploi et de traçabilité, mais aussi au préalable d’études cliniques exposant en détail leur rapport bénéfices/risques, a relégué la préparation magistrale, pendant un temps au moins, au rang des pratiques surannées.
Dans le cadre des plans d’économie de santé, puis aussi dans la mesure où il a été estimé que les médicaments par voie topique offraient un arsenal thérapeutique satisfaisant, la plupart des préparations magistrales ont perdu leur accès au remboursement fin 1989, sans que cet abandon de prise en charge ne constitue un préjugé de l’efficacité de ces préparations.
Mais depuis, de nombreux médicaments topiques ont aussi perdu leur remboursement, et un chemin a été tracé qui invite la population à prendre en charge une plus large partie de ses frais de santé. À nouveau, des arbitrages peuvent être faits en faveur des préparations magistrales.
Préparatoire de la pharmacie Delpech – Paris VI
Les dermatologues restent très attachés à l’usage des préparations magistrales qui ne s’opposent pas aux spécialités pharmaceutiques du commerce ; elles ne sont ni plus ni moins que leur complément indispensable dans de nombreuses situations, en particulier lorsque :
Un principe actif n’est pas disponible sur le marché national sous la forme d’une spécialité pharmaceutique : c’est le cas notamment du dioxyanthranol ou encore de l’hydroquinone.
Un principe actif n’existe pas à la concentration voulue dans une spécialité, par exemple, l’urée à 40 % ou l’acide salicylique à 20 %.
Une association de principes actifs n’existe pas sous forme de spécialité, par exemple une association d’acide salicylique et d’acide lactique.
Un principe actif n’existe pas dans un excipient voulu, par exemple du métronidazole à 1% dans l’excipient Codexial Obase.
Un principe actif est réputé peu stable dans le temps comme c’est le cas, notamment, de la vitamine C à forte concentration.
Une spécialité du commerce contient un ou plusieurs excipients à effet notoire[5] ou tout autre composant jugé indésirable en raison d’un risque accru d’allergie chez un patient donné (conservateurs, parfums, émulsifiants). On pourra alors recourir à une préparation magistrale réalisée avec un excipient bien documenté et contenant le moins possible d’ingrédients. A titre d’exemple, le Cold Cream Codexial, sans parfum ni conservateur, ne contient que 4 ingrédients : PARAFFINUM LIQUIDUM, CERA ALBA, CETYL PALMITATE, AQUA.
Une spécialité pharmaceutique est confrontée à une rupture de fabrication de longue durée. Ces ruptures se multiplient ces dernières années et la préparation magistrale peut devenir une alternative, comme ce fut le cas de 2013 à 2015 lorsqu’un médicament contre la gale fit défaut sur le marché.
On citera aussi certains traitements de longue durée, pour lesquels les dermatologues apprécient de disposer de formules permettant d’augmenter, de mois en mois, la concentration d’un actif ou à l’inverse de la réduire progressivement jusqu’à, dans certains cas, achever le traitement par la seule utilisation de l’excipient.
Enfin, il ne faut pas sous estimer l’importance de la bonne observance d’un traitement prescrit. Au-delà des données techniques, le principe même de l’attention individualisée consolide la relation entre le patient et son médecin et renforce l’adhésion au traitement.
4.1 – Liste positive et critères d’inclusion
Depuis 2008 (circulaire CIR-58/2008 de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie[6]), les préparations magistrales remboursables sont désormais circonscrites aux patients atteints de maladies rares ou orphelines[7], de maladies génétiques à expression cutanée ou de maladies chroniques d’une particulière gravité.
A titre d’exemples, sans que la liste soit exhaustive : épidermolyse bulleuse, maladie de Darier, psoriasis étendu ou grave, dermatite atopique généralisée, dermatite atopique de l’adulte, ichtyose, kératodermie, kératodermie palmo-plantaire.
NB : seul le médecin prescripteur est à même d’apprécier si la préparation rentre dans ce cadre.
Dans ce périmètre, seuls les principes actifs suivants peuvent être pris en charge : urée, chlorure de sodium, acide lactique, acide salicylique, acide benzoïque, coaltar, ichtyol, dioxyanthranol, cérat, cérat de Galien, cold cream, glycérolé d’amidon, glycérine, vaseline.
Il s’entend aussi dans ce cadre que toutes les matières premières incorporées dans une préparation doivent répondre aux spécifications de la pharmacopée[8]. D’autre part, la prescription d’une préparation magistrale ne peut se substituer à celle d’une spécialité équivalente qui serait disponible sur le marché, qu’elle soit ou non remboursable ; dans tous les cas, le corps médical est invité à privilégier la prescription d’une spécialité lorsqu’elle existe.
Lorsque toutes ces conditions réglementaires sont réunies, le médecin doit nécessairement apposer sur son ordonnance la mention « prescription à but thérapeutique en l’absence de spécialités équivalentes disponibles ».
Exemple d’ordonnance justifiant la demande de remboursement d’une préparation magistrale
4.2 – Critères d’exclusion du champ du remboursement
Il apparaît clairement que le champ des préparations magistrales remboursables est considérablement réduit du fait de nombreux critères d’exclusion : préparations dépourvues de caractère thérapeutique, préparations comportant des matières premières ne répondant pas aux spécifications de la pharmacopée, préparations dont l’efficacité n’est pas (ou mal) établie ou encore destinées à traiter des maladies sans caractère de gravité.
Précisément et à titre d’exemples, ne sont pas remboursables :
• Les dilutions de corticoïdes (des spécialités existent qui répondent au même usage),
• Les associations de corticoïdes avec des antibiotiques ou antifongiques (efficacité mal ou non établie),
• Les préparations kératolytiques pour les maladies bénignes telles que les verrues (maladies sans caractère de gravité),
• Les préparations hydratantes ou émollientes contre la sécheresse cutanée (maladies sans caractère de gravité).
Puisqu’une large partie des préparations magistrales ne peut être prise en charge par la collectivité, la question de leur coût est très souvent posée par les patients, tant à leur médecin qu’à leur pharmacien. Avant d’entrer dans le détail des différentes opérations qui construisent le prix d’une préparation magistrale en dermatologie, disons que le prix final moyen par conditionnement délivré est aujourd’hui de 35 euros et qu’il évolue dans une fourchette de 25 à 70 euros, cette borne supérieure étant minoritaire.
De quoi se compose le prix d’une préparation magistrale ?
• Le prix de l’excipient (crème, cérat, pommade, etc.),
• Le prix du ou des principes actifs intégrés à l’excipient,
• Le coût de la main d’œuvre spécialisée (pharmacien, préparateur sous la responsabilité d’un pharmacien) et de la marge de la pharmacie opératrice,
• La marge complémentaire que pourra prendre une pharmacie dans laquelle sera présentée l’ordonnance alors que la réalisation de la préparation sera confiée à une pharmacie sous-traitante spécialisée (c’est donc essentiellement sur ce point que des variations de prix peuvent s’observer entre deux ordonnances identiques)
• La TVA, en général au taux de 10%, plus rarement de 2,1%.
En règle générale, le prix final d’une préparation représente 2 à 2,2 fois le prix de l’excipient qui oscille entre 12 et 15 € par conditionnement. Cette règle est fiable lorsque la préparation est confiée directement par le patient à une pharmacie qui réalisera elle-même la formule, sans intermédiaire, mais aussi lorsque la préparation requiert des principes actifs peu onéreux.
C’est le cas pour de nombreux actifs tels que l’urée, la glycérine, l’acide lactique, la vitamine C ou l’hydroquinone dont les prix se situent dans une fourchette de 10 à 100 euros par kg de matière première. La plupart des préparations réalisées avec ces actifs seront vendues entre 30 et 35 euros par conditionnement.
À l’extrême opposé, et donc parmi les exceptions, on citera le cas des préparations magistrales à la rapamycine, un immunosuppresseur utilisé par voie topique chez les patients souffrant de Sclérose Tubéreuse de Bourneville, une maladie génétique rare. La rapamycine est un principe actif extrêmement coûteux (1 480 euros le gramme) prescrit exclusivement par les services hospitaliers.
Cette préparation magistrale est normalement prise en charge à 100% par la collectivité, mais il est arrivé que, faute d’équipement pour la réaliser en milieu hospitalier, des patients soient redirigés vers des pharmacies de ville spécialisées où cette préparation est facturée entre 250 et 1000 euros par tube selon la concentration en actif. Il est malheureusement aussi arrivé que des CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) bloquent le remboursement de ces préparations réalisées dans des pharmacies de ville.
Quelques exemples de prix de principes actifs utilisés dans des préparations magistrales
Le décret N°89-496 du 12 juillet 1989 et l’arrêté du 12 décembre 1989, excluant du remboursement un grand nombre de préparations magistrales, ont ouvert une période d’imbroglio réglementaire qui a duré près de vingt ans. Ce décret et cet arrêté de 1989 ont été invalidés par le Conseil d’État en 1996, cette annulation ayant restauré le régime précédent, laissant entendre que toutes les prescriptions magistrales prescrites étaient susceptibles d’être remboursées. En août 1996, une circulaire de la CNAM rappela aux caisses régionales qu’en l’absence d’une liste négative, la prise en charge devait être circonscrite aux préparations magistrales à but thérapeutique.
10 années auront encore été nécessaires pour mettre fin à un vide juridique avec le décret N° 2006-1498 du 29 novembre 2006 et l’arrêté du 20 avril 2007, visant à éclaircir les conditions de remboursement des préparations magistrales. Hélas, les textes publiés étaient complexes et se concentraient sur les critères d’exclusion de prise en charge, omettant d’établir une liste positive des préparations et des principes actifs remboursables. Après consultation entre les représentants du corps médical, des pharmaciens et de l’assurance maladie, une circulaire a finalement été diffusée le 5 novembre 2008 qui précisait les contours des catégories de préparations magistrales susceptibles de faire l’objet d’une prise en charge par la collectivité.
Au cours de cette longue période, malgré les aléas de prise en charge et la profusion de spécialités dermatologiques par voie topique, les dermatologues ont maintenu, bien que de façon moins régulière, leurs prescriptions de préparations magistrales.
La sécurité sanitaire est une question centrale pour les préparations magistrales qui doivent être exemptes de tout reproche, depuis la sélection et le stockage des matières premières jusqu’à l’étiquetage, la délivrance et la traçabilité des préparations par l’inscription obligatoire de leur formule (qualitative et quantitative) à l’ordonnancier. A tout le moins, le soin apporté à chaque étape de la chaîne de préparation doit être comparable à celui mis en œuvre pour la fabrication, à l’échelle industrielle, des spécialités pharmaceutiques.
C’est là où les préparations ont pu prêter le flanc à la critique dans le passé et c’est aussi ce qui explique pourquoi la plupart des officines recourent aujourd’hui à des officines sous-traitantes spécialisées, parfaitement équipées et organisées pour garantir la qualité des préparations magistrales les plus complexes, dans le respect d’une réglementation légitimement contraignante. Il existe environ 60 officines spécialisées en France qui ont obtenu une reconnaissance de leur activité par le Code de la Santé Publique.
Même si tous les pharmaciens d’officine ont acquis au cours de leurs études la formation nécessaire à la réalisation des préparations magistrales et officinales, les investissements matériels et humains pour respecter des normes inspirées du modèle hospitalier sont tels qu’ils ne peuvent être rentabilisés sans des volumes importants de préparations.
Par conséquent, les préparations magistrales sont devenues affaire de spécialiste, les préparatoires des officines traditionnelles, non spécialisées, se contentant aujourd’hui de réaliser des mélanges simples ainsi que des préparations officinales [9] de temps à autre.
Outre les contraintes inhérentes au système qualité sur toute la chaîne de préparation, on comprendra bien celles liées aux moyens matériels et humains :
• Système de code-barres pour tous les enregistrements (ingrédients),
• Balances électroniques de précision reliées informatiquement avec système d’alerte en cas d’erreur de pesée,
• Balances analytiques pour les contrôles avec marge d’erreur inférieure ou égale à 0,1 %,
• Agitateurs magnétiques, mélangeurs automatisés,
• Hottes filtrantes à flux laminaire (sorbonnes de laboratoire) pour la manipulation des matières potentiellement dangereuses,
• Personnel parfaitement formé et équipé systématiquement de blouses blanches, charlottes sur la tête, gants en latex, masques, voire lunettes de protection et sur-chausses dans certains cas.
A titre d’exemple, Codexial a mis en ligne un tutoriel vidéo d’une préparation magistrale relativement complexe à réaliser sous hotte à flux laminaire (la vidéo a été tournée au sein même du laboratoire de développement de Codexial) : préparation dépigmentante à l’hydroquinone de type trio de Kligman.
La réalisation des préparations magistrales est encadrée par les Bonnes Pratiques de Préparation (BPP) de 2007[10], sous l’autorité de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé). Ce document de référence opposable a pour objet de garantir la qualité des préparations pharmaceutiques (préparations magistrales et officinales).
Ces Bonnes Pratiques de Préparation font actuellement l’objet d’une révision par l’ANSM afin notamment d’en renforcer le système qualité pharmaceutique, de clarifier les conditions de sous-traitance, de préciser les contrôles nécessaires et de développer la notion d’analyse de risques en utilisant les travaux du Conseil de l’Europe [11].
Du point de vue de la réglementation (Code de la Santé Publique), l’excipient pour préparation magistrale est un élément constitutif d’un médicament ; par conséquent, son statut réglementaire est celui d’une Matière Première à Usage Pharmaceutique (MPUP).
Pour qu’un excipient soit enregistré en qualité de MPUP, son fabricant doit avoir obtenu une autorisation spécifique auprès de l’ANSM.
L’excipient (du latin excipiens, -entis, de excipere, qui signifie recevoir) est une substance associée au(x) principe(s) actif(s) et dont la fonction est de faciliter la préparation, l’administration, la conservation et le transport de ce(s) principe(s) actif(s) jusqu’au(x) site(s) d’absorption de la peau.
S’il est inactif par lui-même, c’est-à-dire inerte vis-à-vis des principes actifs, l’excipient influe sur la façon dont le principe actif est véhiculé jusqu’à sa cible. A titre d’exemple, les dermocorticoïdes, à concentrations identiques, présenteront des efficacités différentes selon qu’ils seront formulés dans des crèmes ou dans des pommades. Par exemple aussi, les filtres solaires devront rester au niveau du stratum corneum (couche superficielle de la peau), alors que les actifs kératolytiques devront atteindre les couches profondes de l’épiderme et que les dermocorticoïdes agiront encore plus profondément, au niveau du derme.
L’excipient revêt une importance capitale en dermatologie dans la mesure où la peau est un organe d’interface entre l’organisme et l’environnement extérieur, soumis en permanence à de nombreuses agressions (mécaniques, thermiques, rayonnements UV, substances chimiques, allergènes, agents infectieux). Tout effet thérapeutique obtenu par voie topique résulte de la combinaison de 3 facteurs clés :
• Les caractéristiques et l’état de la peau,
• La nature de l’excipient,
• Les propriétés du principe actif.
Il est donc indispensable que les dermatologues disposent d’une gamme conséquente d’excipients, constituée de formes galéniques différentes adaptées à tous les sites de la peau (visage, corps, cuir chevelu, zones intertrigineuses, etc.) et d’un éventail de teneurs en lipides.
A titre d’exemple :
– Codexial Obase Fluide : H/E ; 14 % de lipides
– Codexial Obase : H/E ; 24 % de lipides
– Codexial Cold Cream Fluide : E/H ; 32 % de lipides
– Codexial Cérat : E/H ; 66 % de lipides
– Codexial Cold Cream : E/H ; 88 % de lipides
– Codexial Pommade : Anhydre ; 100 % de lipides
L’excipient doit répondre aux exigences de la Pharmacopée (description des matières premières ou des matières entrant dans la composition des médicaments et méthodes d’analyses de contrôle) ou du formulaire National [12] (recueil des médicaments autorisés et liste des préparations officinales terminées ; par exemple, Cold Cream, Cérat de Galien ou Pommade Dalibour y figurent).
La Pharmacopée européenne s’applique à tous les états membres signataires de la Convention pour l’élaboration de la Pharmacopée européenne, qui est complétée pour certains états, notamment la France, par des Pharmacopées nationales.
On estime que les préparations dermatologiques représentent 20 à 25 % des ventes globales des préparations allopathiques[13].
Sur l’année 2019, on évalue le nombre d’excipients dermatologiques vendus en France à environ 2 millions d’unités[14].
La part des préparations magistrales dermatologiques réalisées par les pharmacies sous-traitantes représente environ 40 % de ce segment[15].
Les préparations magistrales dermatologiques soumises à une demande de remboursement sont évaluées à 800 000 unités de préparations terminées, soit 40 % du total des excipients vendus aux officines. Le prix moyen d’une préparation magistrale dermatologique soumise au remboursement est estimé à 30 euros.
On évalue donc le montant global soumis chaque année à une prise en charge par la collectivité à 24 millions d’euros, au taux de remboursement de 65 %.
En fonction des différents régimes de remboursement, il est estimé que la catégorie des médicaments remboursés à 65 % bénéficie d’une prise en charge réelle moyenne à hauteur de 82 %[16], ce qui conduit à estimer la prise en charge annuelle des préparations magistrales à un montant d’environ 19,7 millions d’euros.
Avec 20,27 milliards d’euros de remboursements en 2019, les médicaments[17] (hors dispositifs médicaux) représentent en France 16,5% des dépenses de l’Assurance maladie du régime général.
La charge des préparations magistrales dermatologiques pour la collectivité représente moins d’un millième de ces dépenses (0,097%).
Préparatoire de la pharmacie Delpech – Paris VI
Les pathologies cutanées sont très nombreuses : on considère qu’il y en a environ 3 000 et que 70 % de la population est concernée par une pathologie cutanée au cours de sa vie[18]. Beaucoup de ces pathologies sont rares, pour lesquelles les dermatologues manquent de spécialités pharmaceutiques.
Quelques pathologies sont courantes et connues de tous, dont les traitements, pourtant bien codifiés, peuvent parfois produire des résultats aléatoires ; ce sera notamment le cas dans le psoriasis ou la dermatite atopique compte tenu de la chronicité de ces dermatoses.
Initiée en 2015 par la Société Française de Dermatologie, L’Étude « Objectif Peau » est la plus grande étude épidémiologique nationale jamais conduite en dermatologie. Elle porte sur un échantillon de plus de 20 000 français représentatifs de la population de 15 ans et plus. Ses premiers résultats, publiés en 2017, résonnent comme autant de signaux alarmants : 16 millions de français sont touchés par des maladies de peau (1 sur 3) parmi lesquels 80 % souffrent de deux dermatoses. Sources d’intenses souffrances physiques, de sentiments d’exclusion et de dépressions, les maladies de peau entraînent des conséquences graves chez plus d’un patient sur deux[19].
Les 12 affections cutanées les plus répandues dans la population française :
N°1. L’acné | 3,3 millions |
N°2. L’eczéma (ou dermatite atopique) | 2,5 millions |
N°3. Le psoriasis | 2,4 millions |
N°4. Les maladies du cuir chevelu (hors pelade) | 2,3 millions |
N°5. Les mycoses | 2,2 millions |
N°6. Les maladies des ongles | 2,1 millions |
N°7. Les taches brunes | 1,8 million |
N°8. Les verrues | 1,7 million |
N°9. L’eczéma de contact | 1,3 million |
N°10. L’herpès | 1,22 million |
N°11. Les allergies solaires | 1,19 million |
N°12. Les grains de beauté (jugés suspects par les patients) | 1,1 million |
NB : ce bilan est extrapolé à partir d’un échantillon représentatif de la population. Les répondants s’exprimaient sur la ou les maladies de peau qui les concernaient.
4ème au rang mondial des maladies reconnues comme affectant le plus la qualité de vie, les maladies de la peau sont pourtant aujourd’hui un parent pauvre de la médecine. Crèmes, pommades et émollients ne sont pas des produits de confort pour les dermatologues, encore moins pour leurs patients. Ils représentent souvent la seule parade pour soulager douleurs ou démangeaisons insupportables et éviter les surinfections. Les dermatologues se désespèrent de disposer de si peu de produits remboursés, de voir ainsi se creuser des inégalités dans l’accès aux soins des plus démunis et d’observer l’aggravation de pathologies non prises en charge.
Les préparations magistrales représentent des outils thérapeutiques majeurs pour les dermatologues, qui dans bien des situations doivent instaurer un traitement en tenant compte de nombreux paramètres, sur la foi de leur longue pratique et de leur œil exercé.
Les préparations magistrales sont devenues des produits qualitativement sûrs, pour partie sous l’effet des nouvelles normes réglementaires. Elles recourent à des principes actifs connus de longue date et bien documentés ainsi qu’à des excipients (MPUP) fabriqués dans un cadre réglementaire strict. Leur préparation est réalisée selon un texte de référence opposable : les bonnes pratiques de préparation.
Leur date limite d’utilisation (30 jours en l’absence d’études spécifiques, 3 mois en général lorsque des tests de stabilité ont été conduits) permet de limiter (voire d’éviter) le recours aux conservateurs, de favoriser l’observance du traitement et le suivi rapproché du patient par son médecin.
Pour ce qui est du champ de remboursement restreint des préparations magistrales, il convient de bien appréhender les contraintes de la collectivité et d’observer que ces mêmes contraintes pèsent aussi sur les spécialités pharmaceutiques, dont beaucoup ont connu ces dernières années des baisses de prise en charge, voire des déremboursements.
Pour autant, de nombreuses zones d’ombre subsistent dans les textes réglementaires qui, au fond, laissent un champ étroit d’appréciation au prescripteur. En premier lieu, c’est le cas pour la notion de spécialité équivalente qui demeure floue :
– Les excipients à effet notoire d’une spécialité la rendent-elle équivalente à une préparation qui en serait dépourvue ?
– Une spécialité pharmaceutique détenant une AMM dans une indication propre à une autre spécialité médicale que la dermatologie peut-elle être considérée comme une spécialité équivalente à une préparation magistrale dermatologique au seul motif que le principe actif utilisé est le même, sans se soucier de sa concentration ni de l’excipient utilisé ?
En second lieu, c’est le cas de la mention « maladies sans caractère de gravité » que les faits et arguments développés par la Société Française de Dermatologie dans les premiers résultats de l’étude « Objectif Peau » questionnent légitimement. A ce propos, on ne manquera de relever que les montants remboursés par l’Assurance maladie en 2019 pour le cumul des médicaments remboursés à 15 % et 30 % se sont élevés à 560 millions d’euros[20]. Pour rappel, les médicaments remboursés à 30 % sont destinés au traitement des troubles et affections sans caractère habituel de gravité ; ceux remboursés à 15 % le sont au titre d’un Service Médical Rendu (SMR) faible.
Utilisées dans nombre de pays industrialisés (Allemagne, Suisse, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, etc.), les préparations magistrales garantissent qualité pharmaceutique, efficacité clinique et sécurité d’emploi, ce à quoi s’ajoute une souplesse d’utilisation précieuse. Elles représentent des armes thérapeutiques modernes, indispensables à la pratique quotidienne des dermatologues. Elles méritent la considération de tous les acteurs de santé et des affaires sociales.
[1] Extemporanément : de façon extemporanée. Se dit d’un médicament qui doit être préparé juste avant son emploi.
[2] Par voie topique : médicament d’application externe qui agit uniquement à l’endroit où il est appliqué, sur la peau ou sur une muqueuse.
[3] On estime que 80 % des préparations magistrales par voie topique sont prescrites par les dermatologues – Estimation interne Codexial
[4] Spécialité pharmaceutique : médicament produit industriellement par un laboratoire pharmaceutique, caractérisé par un nom et un conditionnement particulier, et qui doit obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour être délivré en pharmacie d’officine ou à l’hôpital. La notion de spécialité pharmaceutique s’oppose aux notions de préparations magistrales ou officinales.
[5] Excipient à effet notoire : Les excipients dits « à effet notoire » ont la particularité d’être mal tolérés chez les patients sensibles (allergiques ou présentant un syndrome d’intolérance particulier) et nécessitent certaines précautions d’emploi. Tous les médicaments, princeps ou génériques, sont susceptibles d’en contenir. Source : Ministère des Solidarités et de la santé
[6] Télécharger la circulaire CIR-58/2008 de la CNAM
[7] Maladies rares ou orphelines : une maladie rare est une maladie qui touche moins de 1 personne sur 2 000 dans une population. Environ 7 000 maladies rares ont été répertoriées dans le monde et 80 % d’entre elles ont une cause génétique. Une maladie orpheline est une maladie rare pour laquelle n’existe aucun traitement, sinon à visée symptomatique. La base Orphanet répertorie 400 maladies dermatologiques rares.
[8] Pharmacopée : voir la définition
[9] Préparation officinale : voir la définition
[10] Bonnes Pratiques de Préparation (BPP) : télécharger le document
[11] Télécharger la synthèse du projet de révision des BPP par l’ANSM
[12] Formulaire National : voir la définition
[13] Source interne Codexial
[14] : Extrapolation à partir des ventes France d’excipients dermatologiques Codexial et des données GERS (excipients industriels + cérat + cold cream + vaseline + lanoline + divers) – Source interne Codexial
[15] Source interne Codexial
[16] Source : LEEM (syndicat professionnel « les Entreprises du Médicament »). Chiffres 2019
[17] 20,271 milliards d’euros : montant des remboursements des médicaments achetés en ville auquel s’ajoute la rétrocession hospitalière (médicaments délivrés à l’hôpital par des patients non hospitalisés et présentés au remboursement en soins de ville par les structures hospitalières) – Source LEEM 2019
[18] Source : Isabelle Pelisson, PhD – Colloque « Chimie, Dermo-cosmétique et Beauté », Maison de la Chimie, 2016 (ouvrage du même titre).
[20] Source : LEEM (syndicat professionnel « les Entreprises du Médicament »). Chiffres 2019